ϟ il y a ton sourire qui s'élève, c'est comme une lueur d'espoir.

L'alcool me brûlait lentement la langue puis la gorge, mais c'était comme si l'effet était divisé et je le sentais moins ; les verres déjà bu auparavant avaient eu comme un effet anesthésiant sur mes organes. Mais aussi sur la reste de ma vie, de mon passé que j'essaie d'oublier à chacune de ses sorties. Anesthésie de mes mensonges dont je ne me souvenais plus temporairement. Je me relevai maladroitement de la chaise où j'étais assise depuis plus de vingt minutes maintenant, après avoir dansé sur la piste avec tous les garçons qui s'approchaient. A présent debout sur mes talons, qui tremblaient un peu sous le poids de mes jambes et de mon équilibre très aléatoire après le nombre de verres ingurgités, je m'avançais d'une démarche très maladroite vers la sortie, manquant de m'effondrer sur le videur en sortant. De l'air frais de cette heure avancée de la nuit s'engouffra à vitesse grand V dans mes poumons, me faisant frissonner instantanément. Je m'appuyai contre le mur de la ruelle le temps de maitriser le vertige qui me prit de court. Ça ne me réussit vraiment pas ce genre de soirées, toute seule, mais c'était le meilleure moyen pour oublier. Les mensonges, la vie, la mort, tout ça. Quelques minutes plus tard, je repris mes esprits le temps de me redresser et de commencer à marcher pour rentrer chez moi. Au moins, aucune pensée ne venait me troubler, je me concentrais sur chaque pas que je faisais, pour ne pas tomber. Alors que je levais les yeux pour voir où je me situais, une silhouette était immobile devant moi, et le visage avait l'air de me fixer. Je m'arrêtais le temps de le détailler. Il me fallut juste une seconde de plus que si j'étais dans un état normal pour savoir de qui il s'agissait. Mon coeur fit un bond à cette idée. Camil. J'inspirai dans un léger sourire. Si il y avait bien une seule personne que je voulais voir ce soir, c'était bien lui. Mais je n'avais pas envie qu'il me voit dans cet état là. Pas comme ça, pas avec deux grammes je ne sais combien dans le sang. Deux grammes mais lucide comme si j'étais sobre. J'avais juste la tête qui tournait et les jambes qui tremblaient, sinon tout était normal.. enfin, pour moi. Ma fierté tombait, mes barrières de sécurité, tout ce derrière quoi je m'étais barricadée pendant ces années s'effondraient à la moindre vue de Camil. Comme pour Matt. Oh et puis merde. Je m'avançais en essayant de tituber le moins possible, afin qu'il ne se doute de rien, mais j'imaginais que c'était peine perdue. Je franchissais la distance qui nous séparait et passais doucement mes bras sur ses épaules pour l'attirer à moi. « Je suis contente de te voir. » Même si le fait qu'il me voit dans cet état là était vraiment ma dernière envie, j'étais contente de le voir lui, et non mon père en rentrant chez moi qui m'aurait encore fait la morale comme à chaque fois. Je ne voulais pas que Camil me prenne en pitié, et pourtant j'étais quasi certaine que c'était bien le seul sentiment que j'inspirai. Au moins avec lui je ressentais du soutien, non du jugement. Comment ça je reniais mes principes ? Certes j'avais dit qu'à partir de maintenant, les relations c'était sans attaches, d'ailleurs pour lui aussi à ce qu'il m'avait dit, mais ce n'est pas de ma faute si aucun de nous deux n'a pu partir du lit sans avoir donné à l'autre un numéro et une adresse. Quelque chose m'attirait sans que je ne veuille me l'avouer, je niais le fait que j'avais maintenant besoin de lui et que je l'appréciais bien plus que n'importe quel garçon avant lui, dont je connaissais à peine le nom. Par principe, je n'en ai pas, comme dirait l'autre. Il avait raison, c'était peut être plus simple comme ça ; au moins, on ne culpabilisait pas de ne pas les respecter si on en avait pas.

ϟ il y a ton sourire qui s'élève, c'est comme une lueur d'espoir.

« J’espère que c’est pas juste dans l’état où tu es qui te rend heureuse de me retrouver. » et d'un coup, je me suis sentie tellement stupide, là, devant lui. Stupide de croire qu'il n'allait pas voir dans quel état j'étais, même en le prenant dans mes bras. Je devais puer l'alcool, et je n'en étais pas fière à cet instant là. J'aurais voulu fuir, pour éviter cette confrontation avec ma personne dans un état complètement pitoyable. Mais son regard, sa silhouette avait balayé cette envie de le fuir pour la remplacer par l'envie de le sentir contre moi. Il ne savait pas les raisons exactes qui me poussaient à me mettre dans un état pareil ; mon passé. Il ne savait pas non plus que les raisons qui commençaient à me pousser à arrêter c'était lui. Mais pour ça, il fallait d'abord que je me l'avoue moi même avant de l'avouer à quiconque. J'eus un léger rire, moins fort que le sien pour profiter du son agréable que le sien produisait. « Estime toi heureux, si j'avais été sobre je t'aurais littéralement sauté dessus. » Au mot sobre, je repris conscience de face à qui j'étais. La seule personne que je ne voulais pas qu'elle me voit dans cet état là. Et puis d'ailleurs, si j'avais été sobre, je ne serais pas là, et je ne l'aurais pas croisé. Chaque choix, chaque situation rendait un moment unique, on ne pouvait pas essayer de les modifier à notre guise avec de simples paroles. Je détournais la tête un instant, me mordant la lèvre inférieure, la gorgée nouée. Je sentis sa veste se poser sur moi, la chaleur m'envahir, et je reposai mon regard sur lui, légèrement surprise qu'il fasse preuve de compassion, ou du moins, qu'il ne prenne pas en compte mon état actuel. Je murmurai un merci dans un souffle, accompagné d'un sourire. « Je suis désolée. Je veux dire, je veux pas que tu me vois comme ça. Enfin d'habitude, je m'en fous mais, là, c'est différent. » Le là signifie, ce moment là, c'est à dire puisque Camil est là. Même si l'alcool avait coulé à flot dans mon sang toute la soirée, j'étais sincère. Même si je ne l'aurais surement pas dit si j'avais été sobre. Dans l'état où j'étais là, je contrôlais moins ce qui sortait de ma bouche ; mes pensées avaient libre au cours à la parole. Je serrai la veste contre moi, tout en avançant de quelques pas presque malgré moi. Mais la proximité de la boîte et le bruit me montaient à la tête. « Est ce qu'on peut marcher un peu ? J'ai l'impression que ma tête va imploser avec la musique qu'on entend d'ici. Et sinon, qu'est ce que tu fais ici à cette heure là ? »